Sermon au culte d’ouverture du Synode, dimanche 23 Août 2009
«1 Voici les termes de la lettre que le prophète Jérémie envoya de Jérusalem à tous les anciens parmi les exilés, aux prêtres, aux prophètes et au peuple tout entier que Nabuchodonosor avait déportés de Jérusalem à Babylone, 2 après que le roi Yekonya, la reine mère, le personnel de la cour, les hauts fonctionnaires de Juda et de Jérusalem, les techniciens et les officiers du génie eurent quitté Jérusalem - 3 il la confia à Eléasa, fils de Shafân, et à Guemarya, fils de Hilqiya, que Sédécias, roi de Juda envoyait à Nabuchodonosor, roi de Babylone, à Babylone: 4 «Ainsi parle le SEIGNEUR le tout-puissant, le Dieu d'Israël, à tous les exilés que j'ai fait déporter de Jérusalem à Babylone: 5 Construisez des maisons et habitez-les, plantez des jardins et mangez-en les fruits, 6 prenez femme, ayez des garçons et des filles, occupez-vous de marier vos fils et donnez vos filles en mariage pour qu'elles aient des garçons et des filles: là-bas soyez prolifiques, ne déclinez point! 7 Soyez soucieux de la prospérité de la ville où je vous ai déportés et intercédez pour elle auprès du SEIGNEUR: sa prospérité est la condition de la vôtre.
[…] 10 «Ainsi parle le SEIGNEUR: Quand soixante-dix ans seront écoulés pour Babylone, je m'occuperai de vous et j'accomplirai pour vous mes promesses concernant votre retour en ce lieu.
11 Moi, je sais les projets que j'ai formés à votre sujet - oracle du SEIGNEUR - , projets de prospérité et non de malheur: je vais vous donner un avenir et une espérance. 12 Vous m'invoquerez, vous ferez des pèlerinages, vous m'adresserez vos prières, et moi, je vous exaucerai. 13 Vous me rechercherez et vous me trouverez: vous me chercherez du fond de vous-mêmes, 14 et je me laisserai trouver par vous - oracle du SEIGNEUR - , je vous restaurerai, je vous rassemblerai de toutes les nations et de tous les lieux où je vous ai dispersés - oracle du SEIGNEUR - , et je vous ramènerai à l'endroit d'où je vous ai déportés.»
(Jérémie 29, 1-7. 10-14)
1. “Cherchez le bien de la ville …parce que de son bien dépend votre bien”. La lettre de Jérémie, envoyée aux exilés en Babylone après la première déportation (597) et avant la chute définitive de Jérusalem (586) nous conduit à réfléchir sur le rapport entre religions et églises et le bien de la ville (ou du pays, comme traduit la version des Septante).
2. Nous assistons à ce que G. Kepel a appelé “la revanche de Dieu”?. Dans plusieurs parties du monde les fondamentalismes religieux diffusent, même avec la violence, leur recette pour le bien de la ville: soumettre tous à la loi de Dieu. Ici chez nous en Europe, et en particulier en Italie, s’agrandissent les pressions confessionnelles catholique-romaines, mais pas seulement, afin que la ville reconnaisse avoir besoin d’un guide pour vivre sainement la la?cité, pour savoir organiser l’état de droit, pour comprendre justement les droits humains, pour défendre la vie… On dit à la ville: toi qui es désespérée et confuse, laisse-toi te conduire par nous qui sommes experts en humanité. Souvent le dialogue interreligieux cherche la création d’un front commun pour revendiquer plus d’espace pour Dieu dans la ville, et cela signifie adopter l’éthique des religions.
Comment notre petite diaspora méthodiste et vaudoise en Italie se préoccupe-t-elle du bien de la ville? Y a-t-il encore la passion pour le bien de ce pays, qui pendant des siècles ne nous a ni écoutés ni voulus, et dans lequel nous nous sommes diffusés après 1848? Savons-nous aller au-delà de l’amertume pour la remontée cléricale et pour la fin de la politique? Savons-nous ne pas céder à un sens d’étrangeté pour cette ville qui semble elle-même ne plus tenir au bien commun? Avec ces questions et ces soucis dans le cœur, nous écoutons les mots de Jérémie, qui ont été écrits pour nous, mais qui parlent encore aussi de nous, et de façon très chargée de sens, dans la ville démocratique, où il n’y a plus de soumis, mais des citoyens libres, non plus d’édits, mais des parlements et des lois, qui cherchent ensemble un bien commun dans un espace où tous puissent avoir les mêmes libertés et droits.
3. Dieu invite les exilés à chercher le bien de la ville où ils se trouvent maintenant non pas pour un accident de l’histoire qu’on peut penser de dépasser, mais cause de son jugement sur Juda et Jérusalem. Babylone est la ville “dans laquelle je vous ai fait déporter”. Chercher le bien de la ville et reconnaître le jugement de Dieu sur nous vont ensemble. Dans cette perspective, au contraire de trompeter sur les racines chrétiennes de l’Europe, plaindre la sécularisation et regretter les temps où le christianisme était chef, les chrétiens devraient reconnaître que la secularisation a mis un therme à l’intolérance religieuse qui avait ensanglé le continent et que la situation actuelle de daispora fait ainsi qu’aucune prétention de caractère absolu ne puisse discriminer personne. Seulement une église qui sait raconter son histoire comme les prophètes d’Israël ont raconté celle de leur peuple – histoire de chutes et d’erreurs – peut contribuer au bien de la ville. 4. “Vous me chercherez et me trouverez…parce que je me laisserai trouver par vous” (v. 13-14). Ces mots ne se réfèrent pas au temps où les exilés seront rentrés en patrie, mais au temps de l’exil, qui durera plusieurs générations (soixante-dix ans). C’est un mot absolument révolutionnaire. A ce temps-là tout le monde pensait que la défaite d’une nation était la défaite de ses dieux, que la destruction d’un sanctuaire était la fin de la présence de son dieu. Quand les exilés (Sal. 137) disent ne pas pouvoir chanter “les chants de Sion sur une terre étragère”, ils expriment la conviction d’être privés de Dieu sur la terre impie. Ici, dit le Seigneur, sur la terre éloignée de ma présence où je vous ai chassés, moi, je me fais encore trouver. Dans le lieu où seul le regret de ce qui n’existe plus semble possible, Dieu se laisse trouver.
Recevons ces mots comme une promesse, mais aussi comme une invitation à “chercher Dieu avec tout notre cœur. Cherchez Dieu. Faites ainsi que la ville ne vous considère pas les administrateurs de Dieu, comme ses représentants. Ne vous sentez pas appelés à être ses défenseurs. Cherchez-le. Ne le présentez pas comme un fondement nécessaire, mais cherchez son visage. Cherchez Dieu, non pas autre chose…éthique, valeurs, civilisation. Qui pense avoir la vérité, aussi pour les autres, ne cherche plus. Qui a connu le pardon et la santité de Dieu le cherche encore. Qui l’a rencontré, le cherche à nouveau, pour ne pas échanger le Vivant avec ce qu’il a compris de lui. Comme Luther a dit: “L’accomplissement de cette vie ne consiste pas à avoir Dieu, mais à le chercher. Il faut toujours et encore le chercher, à nouveau, du début. De cette façon le chemin procède de force en force, de clarté en clarté dans la même image. En effet sera heureux non pas qui commence à chercher, mais celui qui continue jusqu’à la fin (Mt 10,22), en recommençant encore une fois à chercher ce qu’il a trouvé. En effet celui qui ne progresse pas sur les voies de Dieu et qui ne cherche pas d’avantage, perd ce qu’il a trouvé, parce que sur les voies de Dieu on ne peut pas s’arrêter…” (M.Luther, commentaire à Rom.3, 11).
5. “Priez pour la ville…”. On dirait un paradoxe, mais c’est peut-être la chose la moins cléricale qu’on puisse faire pour le bien de la ville. Prier pour la ville ne signifie pas demander à Dieu de faire prévaloir nos idées, de faire devenir les autres comme nous-mêmes. Cela signifie de lui demander de soutenir la ville dans la recherche de la justice pour tous. Cela signifie se confier à l’espérance dans le monde nouveau de Dieu et non pas à nos projets et à nos recettes. 6. La lettre de Jérémie s’adresse “au reste des anciens exilées, aux sacerdotes, aux prophètes et à tout le peuple que Nabuchodonosor avait déporté de Jérusalem en Babylone”, c’est-à-dire à la communauté exilée et à ses responsables. Une belle image pour notre Synode. Comme Juda en Babylone, de la même façon pour nous ici, dans la recherche d’un chemin commun (là est le sens du mot synode), nous sommes les destinataires d’une parole de jugement, de vocation et de promesse. Nous avons tout ce qu’il nous faut pour marcher ensemble, vers un avenir d‘espérance. |